"Travailler et être pauvre : les femmes en première ligne"

ANALYSE D’OLGA TROSTIANSKY, FONDATRICE DU LABORATOIRE DE L’ÉGALITÉ ET MEMBRE DE L’OBSERVATOIRE DE LA MIXITÉ, REVIENT SUR LE RAPPORT D’OXFAM

Alors que les femmes sont de plus en plus nombreuses à accéder au marché du travail, elles sont plus exposées que les hommes à la précarité. Si le taux d’activité des hommes est resté quasiment stable, celui des femmes n’a cessé de progresser, passant de 58% en 1990 à 67,6% en 2015[1]. La féminisation de l’activité a mis en lumière un nouveau fléau, celui des travailleuses pauvres qui loin de se réduire s’aggrave. Le récent rapport d’Oxfam au titre évocateur « travailler et être pauvre, les femmes en première ligne », dresse un constat sans appel de la problématique. Selon l’ONG, la part des actives pauvres est passée de 5,6 % à 7,3 % entre 2006 et 2017.

Les facteurs sont multiples, ils trouvent leur origine dans le fondement culturel du rôle qui est assigné aux femmes dans la société, y compris au regard de l’emploi.  Au-delà de la seule dimension économique, la pauvreté est induite par des causes profondes sociales, psychologiques et politiques.

Les chiffres sont éloquents : les femmes sont payées en moyenne 27% de moins que les hommes. Elles continuent à assurer les responsabilités familiales et représentent 70% des temps partiels. Elles occupent 62% des emplois moins qualifiés bien qu’elles soient plus diplômées que les hommes et même lorsqu’elles occupent des emplois qualifiés, elles s’orientent  en majorité vers des métiers moins rémunérateurs. Ainsi, si les femmes sont entrées sur le marché du travail, leur mode de participation au marché de l’emploi, les caractéristiques des postes occupés, leur surreprésentation dans les familles monoparentales et le fait que la charge mentale continue de peser sur elles, les exposent davantage à la pauvreté et à la précarité.

Face à cet état des lieux alarmant, une démarche systémique doit être initiée pour permettre aux millions de femmes précaires d’accéder à la sécurité économique et sociale. Dans cet objectif,  le Laboratoire de l’Égalité qui oeuvre pour l’égalité professionnelle et dont un des travaux principaux pour 2018 et 2019 est la lutte contre la précarité des femmes, initie un Pacte sur le sujet par une démarche globale dont l’objectif est d’établir des propositions concrètes portant sur trois axes : le temps partiel, majoritairement subi ; la monoparentalité pour rompre le continuum entre isolement et conditions d’emploi dégradé ; et l’éloignement de l’emploi.

La question des travailleuses pauvres n’épuise toutefois pas le sujet de la précarité des femmes. Ce phénomène a des répercussions plus tard, sur la retraite des femmes. Ces dernières perçoivent chaque mois près de 700 euros de moins que les hommes, avec une pension mensuelle moyenne de 1 065 euros pour les femmes contre 1 739 euros pour les hommes. Les écarts se sont certes réduits, passant de 30% pour les générations nées dans les années 1950 contre 60% pour celles nées dans les années 1920. Néanmoins, la diminution des écarts se heurte à la hausse du temps partiel et à la diminution des pensions de réversion sous l’effet de la baisse des mariages et de l’augmentation des divorces.

Dans ce contexte, il est impératif que la réforme des retraites en cours permette à sa juste mesure de réduire les inégalités persistantes. Le Laboratoire de l’Égalité reste engagé, comme en 2010, pour contribuer aux concertations et apporter au débat des propositions concrètes élaborées avec des expert.e.s. qui seront dévoilées lors d’un grand événement et relayées auprès des institutions et du grand public. Si vous souhaitez découvrir nos propositions et prendre part au débat, venez assister le 15 janvier à la Caisse des dépôts à Paris, à l’évènement « femmes et retraites : état des lieux, enjeux et perspectives ».

par Olga Trostiansky

Fondatrice Laboratoire de l’Egalité

Conseillère CESE

Comité d’orientation Observatoire de la Mixité (ICR)T

Rapport OXFAM (décembre 2018)

Travailler et être pauvre : les femmes en première ligne

https://www.oxfamfrance.org/wp-content/uploads/2018/12/Rapport_OXFAM_Pauvrete_au_travail_femmes_en_premiere_ligne-2.pdf


[1] Insee, 2017