Tribune | Le télétravail, nouvel Eldorado du "monde d’après"

Jusqu’à ces derniers mois,  de nombreux  employeurs étaient réfractaires au télétravail, par principe, pensant que les salariés, à la maison, travailleraient en dilettante. Ils avaient bien tort.

Responsabilisation

Le confinement les a fait changer d’opinion sur le sujet. Les salariés, dans leur grande majorité, se sont révélés très impliqués. Pourquoi ? Ils ont compris que l’activité économique de la société qui les employait reposait sur leurs épaules et qu’ils étaient un maillon utile. Pourtant, les conditions n’ont pas toujours été faciles. Tous n’ont pas eu la chance d’avoir une pièce pour s’isoler : travail dans la pièce de vie ou dans un coin de la chambre, cohabitation 24h/24 avec les enfants et le conjoint…

Pourtant, ils ont tenu et cela change la donne.

Des économies

La possibilité de télétravailler redistribue les cartes pour les employeurs, qui y voient l’opportunité de réaliser de belles économies en diminuant le parc immobilier. Si le télétravail total n’est pas forcément à l’ordre du jour pour de nombreuses raisons et notamment des questions d’isolement trop marqué par rapport à l’entreprise, les salariés pourraient passer au télétravail pendulaire. C’est-à-dire : partager leur temps entre le bureau et le domicile, en fonction des jours de la semaine.

Une vie plus confortable

Autre point positif pour les salariés, la diminution significative du temps perdu dans les transports pour se rendre au travail et donc du confort en plus. Ils pourraient même, pour certains, envisager de s’éloigner un peu des grands centres urbains où l’immobilier reste cher, pour une qualité de vie qui n’est pas nécessairement au rendez-vous. La campagne désertée où l’immobilier est bon marché a de beaux jours devant elle. Reste à la rendre attractive au niveau de l’offre de services publics qui ont été démantelés (écoles, collèges, lycées, centres de soin, poste, accès à la justice…) ce qui pourrait constituer néanmoins un frein au retour campagnard.

Re-connecter

Les salariés pourraient aussi y perdre. Que reste-t-il des pauses cigarette ou café et des liens qui se nouent entre collègues ? Le lien physique est un échange direct, une communication verbale ou non verbale.  Se serrer la main, se faire la bise, prendre des nouvelles sans avoir à y mettre les formes ni émettre un appel via une machine, mais simplement, entre deux bureaux. Echanger un regard, un sourire… Autant de contacts qui vont se raréfier.

La cohésion des équipes aura à perdre ce que l’individualisme y gagnera et c’est pourquoi  l’aspect humain de l’entreprise doit être absolument préservé.

Il faudra  également protéger la santé des salariés, car le télétravail est un outil formidable à condition d’être maîtrisé. Certes le droit à la déconnexion existe, mais il n’est pas suffisant. Toute une éducation est à mettre sur pied,  pour éviter le risque de burnout et le risque d’isolement.

Le challenge des entreprises sera donc de créer ou recréer du lien entre la communauté des salariés pour conserver les relations interpersonnelles, l’esprit de l’entreprise et offrir aux salariés qui en sont membres, à part entière, des outils pour travailler dans de bonnes conditions et des clés pour conserver ou pour acquérir une belle qualité de vie.

Utopie

Dans ce monde de l’après, nous n’aurons jamais été aussi proches de réaliser l’utopie du travail qui peut améliorer la qualité de vie.  Et il est temps. Le décret du 5 mai 2020 a permis de prendre conscience que  des salariés « vulnérables » au COVID 19 (c’est-à-dire dont l’état de santé présente des caractéristiques de fragilité avérée), travaillaient dans l’entreprise. Ces cas n’étaient pas nécessairement mis en évidence par la médecine du travail, sauf lorsque des restrictions ou des aménagements de poste existaient. Dans certaines entreprises, le nombre de cas a été sidérant.

Un certain nombre de pathologies sont liées  au mode de vie, à l’alimentation, au stress. Or une démarche de prévention et d’accompagnement plus pro active aurait peut-être pu éviter d’en arriver à ce stade. Mais dans le monde d’avant, nous n’avions pas réalisé cela.

Alors oui, l’entreprise à un rôle important à jouer dans ce domaine et il n’est pas trop tard pour remettre sur le tapis LE TRAVAIL :   motivation, qualité de vie, hygiène de vie, redonner du sens, recréer du lien entre les gens … Et même, un crowdthinking de tous les acteurs du monde du travail serait un formidable détonateur pour passer au monde d’après .

par Nathalie Leroy, Avocate chez 25 rue goundod