Comment faire en sorte que la transition environnementale - difficile et coûteuse - soit également socialement responsable ?

La montée en puissance des thématiques de la raison d’être et de l’environnemental, du social et de la gouvernance (ESG) laissait augurer d’une saison 2020 intéressante. L’irruption du COVID-19 a tout bousculé : Assemblées Générales par visioconférence et huis clos. Ces aménagements nécessaires ne sont pas sans risque pour la qualité du dialogue actionnarial et les droits des minoritaires.

A la mi-juin, on pouvait se risquer à tirer un premier bilan basé sur 84 Assemblées Générales du SBF 120, 9 sociétés ayant annoncé l’insertion de leur raison d’être dans leurs statuts, et 1 sa transformation en société à mission.

La crise sanitaire a également fortement perturbé la marche des affaires, annonçant une récession sans précédent dont les Assemblées Générales ont largement fait état, suivant ainsi les recommandations de l’AMF. Dès le début de la crise, plus de 80 sociétés ont annoncé une diminution ou une suppression des dividendes et 55 un ajustement de la rémunération des dirigeants, prenant ainsi acte de la situation.

Dans cette actualité qui s’est imposée à tous, une quarantaine de sociétés enregistraient une centaine de résolutions votées à moins de 80%, dont près de la moitié relative au Say on Pay. Une petite vingtaine de résolutions traitant de la composition des Conseils avaient obtenu moins de 80%, les renouvellements obtenant un moins bon score que les nominations. 6 résolutions avaient été rejetées dont 2 relatives au Say on Pay et une nomination.

Est-ce le signe d’une adhésion moins systématique des actionnaires aux résolutions proposées, notamment sur les rémunérations ? Il faudra tirer tous les enseignements de cette saison hors norme lorsqu’elle sera achevée, mais on peut déjà faire le pronostic qu’elle va marquer un tournant dans le dialogue actionnarial.

Au-delà de la dynamique des Assemblées Générales, cette période exceptionnelle a aussi changé le mode d’interaction entre la direction générale de nombreuses entreprises et leur Conseil d’administration ou de surveillance. Réunions de travail plus fréquentes, moins formelles, pour croiser les points de vue, tester des idées, bénéficier d’un regard différent et complémentaire sur une situation sans précédent, afin de prendre les meilleures décisions, plus collégialement.

Ces Conseils ont travaillé en 3 étapes : tout d’abord se mettre en ordre de bataille face à la crise en mobilisant agilité et résilience, puis préparer le redémarrage de l’activité, et enfin commencer à imaginer ce qu’il faut faire évoluer – dans l’offre de produits et de services ainsi que dans l’organisation, les processus de l’entreprise et sa chaîne de valeur – pour retrouver ou gagner une position de leadership dans le monde de l’après-crise.

Cette crise sanitaire et ses conséquences économiques constituent un test pour les dirigeants, distinguant les barreurs de gros temps capables de tenir le cap dans une telle tempête, mais aussi pour chaque administratrice et administrateur : membre du Conseil exécutant consciencieusement les figures imposées, ou sparring partner de la direction générale apportant une réelle valeur ajoutée dans un environnement chahuté
et incertain, sans empiéter sur le rôle de l’exécutif ?

Cette crise devrait marquer une évolution du rôle du Conseil : non seulement garant de la conformité mais surtout force de proposition – dans les moments calmes comme dans les crises – en soutien et en challenge constructif de la direction générale, en s’inscrivant résolument dans une vision de long terme. N’est-ce pas in fine le rôle des administratrices et administrateurs engagés que de promouvoir une gouvernance responsable, créatrice de valeur durable pour l’entreprise, ses salariés et ses actionnaires, en veillant au bien commun ?

par François Bouvard, Vice-Président de l’Institut Français des Administrateurs (IFA)