Tribune | Grands Prix de l'Assemblée Générale et de la Mixité 2020
L’année 2020 ne sera pas oubliée de sitôt par les entreprises et leurs parties prenantes. Intervenue quelques semaines avant le début de la saison des Assemblées Générales, la crise du COVID-19 a bousculé l’ensemble de ces rassemblements organisés de longue date, temps forts annuels du dialogue entre les entreprises et leurs actionnaires.
Face aux risques sanitaires de la tenue physique des Assemblées Générales et aux difficultés techniques associées, les entreprises et l’Etat ont dû faire preuve de résilience et d’une grande réactivité. Le gouvernement a notamment pris par ordonnance – en date du 25 mars – plusieurs dispositions pour simplifier et adapter les règles de convocation, d’information, de réunion et de délibération des Assemblées Générales, permettant notamment leur tenue à huis clos, le vote à distance des actionnaires avant la tenue de l’AG et la possibilité d’un report de 3 mois dans le délai d’approbation des comptes.
Les entreprises ont dès lors dû s’adapter à la hâte à cette nouvelle organisation, largement digitale, tout en s’attachant à mettre en place, le plus tôt possible en amont de leur Assemblée Générale, une communication claire, précise et accessible, à l’attention de l’ensemble de leurs actionnaires, concernant les différentes modalités de participation et de vote.
Cette réorganisation soudaine n’a pas été sans difficultés, tant au niveau des convocations, du comptage des votes, que de l’organisation des Assemblées Générales par vidéoconférence. En outre, aucune entreprise de grande taille n’a été autorisée à faire voter ses actionnaires en direct via Votaccess, pour des raisons de sécurité.
Dans ce contexte difficile, le Jury se réjouit cependant d’avoir pu observer – cette année encore – d’excellentes pratiques en Assemblées Générales, visant notamment à favoriser la continuité d’un dialogue actionnarial bousculé par les évènements, à s’attacher à des présentations plus concises mais également plus précises, ou à valoriser les engagements RSE de long-terme des entreprises. Plusieurs d’entre elles ont également profité de cette occasion privilégiée pour évoquer leur contribution à la lutte contre la crise sanitaire : production de masques et de respirateurs, initiatives multiples pour aider les soignants, etc.
En outre, les Assemblées Générales 2020 ont cristallisé un grand nombre de sujets, invitant à des questionnements profonds sur le partage de la valeur, la politique de distribution des dividendes, l’adaptation des rémunérations au contexte, les arbitrages de la gouvernance en faveur de la RSE, les nouveaux modes de management, mais aussi la place et le rôle du digital.
L’Assemblée Générale dématérialisée, généralisée par la force majeure en cette période de crise, a également posé des questions fondamentales sur l’avenir de la démocratie actionnariale. Comme l’a très justement rappelé l’AMF, le droit des actionnaires d’exprimer leur vote en AG revêt un caractère d’ordre public qui doit s’exercer dans le respect du principe d’égalité. Les échanges avec les dirigeants mandataires sociaux – format digital oblige – ont été limités dans une majorité d’Assemblées Générales et ont, de ce fait, souvent donné la part belle aux institutions et aux ONG.
Le format des Assemblées Générales à distance est pourtant une piste d’évolution qui peut séduire nombre d’émetteurs pour des raisons logistiques, économiques ou encore écologiques. Il questionnera nécessairement les entreprises sur ce qu’elles souhaiteront faire à l’avenir, tant sur la forme – revenir totalement ou partiellement à des Assemblées physiques ? – que sur le fond. Les sujets tels que la RSE, qui ont pris une place croissante dans les questions et le contenu des présentations, deviendront-ils centraux ? Quid du partage de la valeur et de la gestion des risques/opportunités, qui peinent encore aujourd’hui à s’inscrire dans la plupart des Assemblées Générales ?
C’est sans compter sur ce qu’attendent les actionnaires de ce moment de dialogue actionnarial. « Frustrantes », « contraintes », « squelettiques », certains d’entre eux n’hésitent pas à employer des termes acérés pour parler des Assemblées Générales 2020. Les Assemblées de demain risquent-elles de (re)devenir de simples réunions formelles répondant à une obligation réglementaire ? Ou sauront-elles – au contraire – se réinventer grâce au digital, attirant ainsi de nouvelles parties prenantes ?
Quoi qu’il en soit, le contexte actuel marquera un virage dans l’évolution des Assemblées Générales, ouvrant la voie à de nouvelles approches. Comme le ressentent les actionnaires, « les saisons à venir ne seront pas comme les précédentes… ».
par Nicole Notat, Présidente de Vigeo Eiris
Gilles Schnepp, Administrateur de sociétés
Bertrand Dumazy, Président-directeur général d’Edenred