Message de Jean-Dominique Senard – Les Rencontres du Capitalisme Responsable
Message de Jean-Dominique Senard - Les Rencontres du Capitalisme Responsable
Mardi 6 octobre 2020
« Mesdames, Messieurs, chers amis,
Des impératifs d’agenda me privent malheureusement d’assister à ces Rencontres du Capitalisme Responsable et j’en suis désolé.
Vous le savez, c’est un évènement auquel j’aurais été plus qu’heureux de participer, car le travail porté par votre Institut me tient particulièrement à cœur. Je salue chaleureusement toutes celles et ceux dont l’action engagée a été récompensée aujourd’hui.
Dans le long cheminement qui doit nous permettre de transformer le capitalisme et de le rendre plus vertueux, plus respectable, je crois que nous avons passé une étape importante, qui est celle de la prise de conscience. Grâce au travail de l’Institut du Capitalisme Responsable – que je souhaite saluer ici – nos idées progressent, les valeurs que nous souhaitons porter émergent plus clairement dans le débat public.
C’est une avancée considérable mais il nous faut regarder plus loin. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous contenter de disserter sur la théorie, nous devons rentrer dans une phase de mise en œuvre concrète, dans une dimension politique du capitalisme responsable. C’est d’ailleurs le sens du rapport de l’Institut Montaigne que nous avons coprésidé avec Yves Perrier, publié il y a quelques semaines : proposer un véritable modèle de capitalisme responsable européen, qui identifie les besoins réels des entreprises et les moyens concrets d’y répondre.
Ce rapport se fonde sur deux convictions : tout d’abord, le capitalisme responsable est un élément fondamental de la refondation de l’Union européenne. Il doit nous permettre de nous imposer dans le débat mondial, aujourd’hui fragmenté entre les deux grands blocs que sont les Etats-Unis et la Chine.
Ensuite, pour nous guider dans la tempête que nous avons traversé ces derniers mois, dans cette crise sanitaire puis économique sans précédent, nous nous sommes appuyés sur plusieurs forces : sur notre système de santé, puis sur l’Etat, qui a tenté de limiter l’impact de la crise sur l’économie et les entreprises.
Désormais, c’est au tour des entreprises de reprendre les rênes et de permettre à nos économies de relever la tête.
Pour y arriver, nous avons dégagé plusieurs axes d’action essentiels dans notre rapport.
Pour vous le résumer, il s’agit de diriger l’épargne des européens vers des investissements à long terme, responsables. Cette épargne existe ; pour la mobiliser il nous faut créer un véritable marché des capitaux européens.
Cela ne peut fonctionner qu’à certaines conditions : améliorer l’harmonisation fiscale, repenser des normes prudentielles mieux adaptées aux besoins en fonds propres des entreprises.
Nous constatons également qu’aujourd’hui, l’Europe est soumise à des règles d’informations financières et extra-financières imposées par un modèle anglo-saxon, qu’elle ne maîtrise pas. En matière de reporting, l’Europe doit identifier les critères qui constituent le socle commun des valeurs européennes et reprendre la main sur ces règles d’information.
Pour l’information extra-financière en particulier, nous manquons réellement d’harmonisation à l’échelle européenne, d’une méthodologie qui permette d’instaurer une confiance durable auprès des investisseurs.
J’ai la conviction que la solution, en tous points, est de traiter le problème grâce à une approche par les valeurs et non pas seulement par celle des risques. Il nous faut sortir de l’analyse anglo-saxonne par les risques, et valoriser la capacité des entreprises à relever les défis d’avenir colossaux qui les attendent, mieux prendre en compte leur impact social et environnemental.
Cela passe bien entendu par l’adoption d’une raison d’être, qui doit être la colonne vertébrale de chaque entreprise, et par une homogénéisation des règles de gouvernance au sein des entreprises européennes.
Aujourd’hui, nous sommes à un moment charnière de notre histoire. Nos entreprises sont mûres pour réaliser cette transformation, les dirigeants politiques européens doivent se saisir du sujet et construire le cadre qui nous permette d’instaurer durablement un capitalisme réellement responsable.
Merci à toutes et à tous, je n’ai aucun doute que ces Rencontres organisées par l’Institut du Capitalisme Responsable seront riches et fructueuses et espère pouvoir échanger prochainement avec vous de vive voix sur ces sujets. »
par Jean-Dominique Senard, Co-auteur du rapport « Le capitalisme responsable : une chance pour l’Europe », Président du Conseil d’Administration de Renault et vice-Président de l’Institut Montaigne