Mixité et gouvernance : où en est-on ?

Il y a maintenant un an, Gecina, Korian et Sodexo étaient récompensées pour leurs pratiques les plus remarquables en matière de mixité. Sophie Boissard, Directrice Générale de Korian ; Meka Brunel, Administratrice et Directrice Générale de Gecina et Sophie Bellon, Présidente du Conseil d’administration de Sodexo ont accepté de répondre à notre question : « Où en êtes-vous, un an après ?». Voici leurs réponses !

Sophie Boissard : Korian est un acteur engagé de la mixité et a plusieurs fois été reconnu par l’indice Zimmermann en recevant en 2019 le Grand Prix de la Mixité dans la catégorie SBF 120. Un an après, le Groupe a pris un engagement supplémentaire en inscrivant parmi les 15 engagements RSE de l’entreprise à l’horizon 2023 un objectif de 50% minimum de femmes parmi les « top 100 » de l’entreprise. Pour une entreprise composée à 85% de femmes, l’objectif pourrait paraître simple, mais en réalité le défi est encore plus grand car la majorité de ces femmes sont des aides-soignantes et tout l’enjeu est d’arriver à bâtir des parcours de carrière permettant d’accéder, via des parcours qualifiants, à des postes à responsabilité. C’est pourquoi j’ai également inclus dans les objectifs RSE du Groupe l’atteinte de 8% des effectifs en parcours qualifiants à l’horizon 2023, car c’est le seul moyen de faire de Korian une entreprise apprenante et de proposer aux femmes du Groupe de réelles perspectives de promotion interne.

Sophie Bellon : Nous savons qu’une culture d’inclusion engagée est l’une des clés de la réussite collective, et qu’une entreprise qui parvient à progresser en matière de mixité saura faire bouger les lignes sur tous les types d’inégalités. Tout simplement parce que l’inégalité entre les sexes est probablement la plus ancienne et la plus ancrée de toutes. En matière de mixité, une de nos ambitions est que les femmes représentent 40% de notre top 1 600 d’ici 2025. Nous avons atteint 34% cette année. Donner aux femmes l’opportunité d’opérer au plus haut niveau est indispensable – la crise du COVID-19 n’a fait que renforcer ma conviction.

Alors que l’on a vu les femmes en première ligne, elles ne sont pas représentées à la hauteur de leur contribution dans les instances décisionnelles : ainsi, 70% du personnel de santé au niveau mondial est féminin, mais elles n’occupent que 25% des postes de direction. Or on le sait : l’égalité femmes-hommes, comme d’ailleurs la diversité en général, est un puissant levier de performance.

Nous avons réalisé nos propres études : les entités au management mixte (40% à 60% de femmes) performent systématiquement mieux que les autres sur tous les indicateurs, financiers et extra-financiers. Mais agir au niveau managérial ne suffit pas : les femmes représentent 55% de nos équipes et créer un engrenage positif pour accompagner le développement des talents féminins en interne se joue aussi – et peut-être surtout – sur le terrain. Le cas des certificats de formation professionnelle (CQP) que nous proposons à nos équipes sur site, pour devenir commis de cuisine ou responsable de site par exemple, est parlant : il y a seulement 5 ans, les femmes étaient très minoritaires, voire absentes de ces parcours. Elles sont maintenant de plus en plus nombreuses à en bénéficier – elles représentent ainsi près de 50% des participants au CQP pour devenir responsable de site. Il faut se challenger en permanence : plus on avance, plus il est difficile de continuer à progresser !

Méka Brunel : Gecina est toujours aussi engagée dans tous les axes de l’inclusion, à commencer par la mixité, indispensable par la valorisation des parcours et les promotions bien méritées. Nous avons aujourd’hui un Conseil d’administration avec 45% de femmes, un Comex à 45% versus 40% il y a un an, un Codir féminisé à 34% et 40% de femmes parmi les 10 plus hauts salaires.

Pourquoi et comment poursuivre votre engagement en faveur de la mixité au sortir de cette crise ?

Sophie Boissard : La promotion de la mixité est d’abord un enjeu de société : de la mixité naît la diversité et la richesse des interactions humaines qui permettent, dans l’entreprise comme dans la société, d’être plus efficace, plus juste, et plus innovant ensemble. Au-delà des objectifs que nous nous fixons, et qui permettent de faire progresser l’entreprise sur le terrain de la mixité, il faut pouvoir installer un climat de travail et de coopération où la mixité n’est plus un sujet, mais une force. Ainsi j’ai créé en 2019 un « club des femmes Korian » qui permet de traiter sans tabous et sans limites tous les sujets propres à l’entreprise, y compris la mixité.

Et au-delà, je constate que la crise du COVID-19 révèle de nouvelles préoccupations sociales qui s’expriment par exemple à travers la demande de télétravail, qui traduit une attente de meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie privée, mais aussi à travers des attentes plus sociétales autour de l’inclusion, de la solidarité ou de l’environnement. Sur tous ces sujets, la mixité permet d’avancer plus vite, j’en suis convaincue.

Méka Brunel : Durant la crise, Gecina a attribué une prime nette généralisée de 1000€ dès la paie d’avril à ses gardiens et à son personnel sur site, largement féminin. Depuis l’année dernière, nous avons promu 30 femmes – sur un effectif de 520 – dont 2 depuis la crise sanitaire. Bien entendu, notre engagement en faveur de l’égalité salariale femmes/hommes s’est poursuivi, comme chaque année.

Par ailleurs, nous avions fin 2019 mis à la disposition de France Horizons, venant en aide aux sans-abris, un immeuble de bureaux à transformer en logement pour l’accueil des femmes et enfants SDF y compris en sortie de couche. Nous venons d’étendre notre engagement jusqu’à mars 2021. Il en est de même de l’accueil, dans deux de nos résidences étudiantes libérées suite à l’épidémie, des personnels soignants et des femmes victimes de violences.

Le travail n’est pas fini, mais quand il y a de la volonté, il y a un chemin.

Sophie Bellon : À l’heure de la crise économique post-COVID-19, la tentation pourrait être forte de reléguer à l’arrière-plan les sujets comme l’égalité femmes-hommes ou l’inclusion, qui pourraient sembler déconnectés des préoccupations immédiates. Soyons clairs : ce serait un contre-sens majeur. La crise sanitaire a agi comme un révélateur et un accélérateur de tendances : des travailleurs et surtout des travailleuses jusque-là « invisibles » ont fait la preuve de leur utilité sociétale, ils sont devenus nos héros.

Nos métiers de service, inclusifs par nature, ont brusquement été mis en lumière. Cette prise de conscience est une opportunité unique de nous assurer que, demain, la diversité et l’inclusion resteront en tête de nos priorités collectives, au même titre que l’humain et le lien social. Au sein des entreprises, les nouveaux modes de management renforcés par l’expérience du confinement, plus collaboratifs et inclusifs, basés sur la confiance et le résultat, contribueront aussi à faire évoluer les cultures et les mentalités.