Les ODD : une nouvelle grammaire de la responsabilité
En 2015, les Nations Unies ont approuvé L’Agenda 2030 des Objectifs de développement durable (ODD) qui constitue le seul cadre universel d’engagement pour mobiliser les États, les gouvernements, la société civile et les Citoyens sur la voie d’un développement économique souhaitable pour la planète et pour ses habitants. En entérinant ces 17 objectifs, 193 États-membres se sont engagés, d’ici 2030, à éradiquer la pauvreté, améliorer la santé et l’éducation, réduire les inégalités, stimuler la croissance économique, développer des formes de travail décentes et de qualité, défendre les droits humains et lutter contre la corruption, tout en s’attaquant aux changements climatiques et en œuvrant à la préservation de nos océans et de nos forêts. Mieux, cet agenda repose sur l’idée d’une coopération multi-acteurs, « à tous les étages » et à toutes les échelles de territoires.
Pourquoi ces 17 ODD sont-ils si importants ? Pour une raison simple : les transformations industrielles et énergétiques nécessaires à la mobilisation pour le climat et la biodiversité auront des répercussions majeures pour les territoires et les citoyens, il est donc nécessaire de réviser nos modèles productifs et organisationnels en veillant à ne laisser personne au bord de la route. Les ODD encouragent les acteurs économiques à construire leur vision de la performance sur une approche plus holistique qui réunit les conditions d’une transition, juste et équitable, fondée sur un équilibre entre les dimensions sociale, environnementale et de bonne gouvernance. Les ODD constituent en quelque sorte un outil au service d’une objectif transversal supérieur, défini comme suit par la Confédération Syndicale Internationale (CSI) : « s’engager dans la transition vers une économie à faible émission de carbone en maximisant les avantages de l’action climatique tout en minimisant les difficultés pour les travailleurs et leurs communautés ».
Plus de 20 ans après sa création par le Secrétaire général de l’ONU, le Pacte mondial des Nations Unies, ou United Nations Global Compact (UNGC), considère que les ODD ne peuvent être atteints sans une mobilisation massive des entreprises, des plus petites aux plus grandes. En France, les travaux préalables à la loi Pacte, en particulier le Rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard sur « L’entreprise comme objet d’intérêt collectif » marquent un tournant décisif et contribuent à accélérer le rythme.
Une nouvelle grammaire se dessine : désormais, les entreprises françaises sont gérées dans leur intérêt propre (par opposition au seul intérêt de leurs actionnaires) en « prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité » (Cf. art. 1833 du Code civil) ; elles peuvent nommer leur « raison d’être » (cf. art. 1835 du Code civil) ; pour celles qui voudraient orienter tout ou partie de leur activité à des fins sociales ou environnementales, elles doivent préciser les conditions de réalisation de leur mission en veillant à la rendre opposable aux tiers (cf. art. L210-10 du Code du commerce). Avec le Green New Deal de la Commission européenne, toutes les entreprises de plus de 250 salariés sont incitées à appréhender une nouvelle approche de la matérialité, et peut-être à expérimenter de nouvelles règles comptables.
Au Global Compact France, le doublement en cinq ans du nombre de nos adhérents nous conduit aux constats suivants : les entreprises expriment une forte demande de clarification et d’accompagnement, elles s’appuient sur les Dix principes du Pacte mondial et sur le référentiel des ODD pour acquérir les bases de ce nouveau langage et structurer une vision de long terme compatible avec l’Agenda 2030. Nos adhérents ont besoin d’échanger dans une logique interprofessionnelle ou à échelle territoriale pour imaginer les évolutions du marché, sans quoi ils ne pourront pas arrêter d’objectifs opérationnels, ils ont besoin de comprendre ce que sont des facteurs et des risques de durabilité avant de les intégrer dans leur cartographie des risques et avant de fixer des indicateurs de performance globale. En un mot, si les nouvelles réglementations et les évolutions en matière de reporting sont nécessaires et utiles, veillons à en accompagner l’appropriation par les acteurs : il nous appartient désormais, collectivement, avec l’aide des professions du droit et du chiffre, de bien articuler les concepts pour aider les entreprises à prendre la bonne mesure des mutations en cours.
André Renaudin
Président du Global Compact France