Mais d’où vient le regain d’appétit des Français pour la bourse ?
En mars 2020, l’AMF a enregistré 12 millions de transactions de la part de particuliers sur les titres dont elle assure la surveillance, alors que leur nombre varie habituellement entre 2 et 3 millions. Cette extraordinaire activité est due à la conjonction inédite de multiples facteurs. Le confinement avait libéré du temps, réduit la consommation (y compris dans des activités comme les paris sportifs) et généré une épargne supplémentaire importante.
Or, dans un contexte de politique monétaire accommodante avec une rémunération de l’épargne liquide et sans risque faible, les opportunités d’investissement en bourse étaient d’autant plus attractives que le choc macroéconomique violent et les incertitudes sur les perspectives des entreprises se traduisaient par une baisse très forte des valorisations et constituaient des opportunités d’achat. En outre, la capacité d’intervenir en bourse de chez soi est devenue particulièrement aisée avec le développement de solutions faciles et bon marché pour passer des ordres en ligne. On a donc observé de nombreuses ouvertures de compte et une hausse considérable des transactions.
La relative surprise a été la persistance de ce phénomène au-delà du confinement et alors que les valorisations ont retrouvé des niveaux élevés. Nous avons désormais, chaque trimestre, environ 2,5 millions de particuliers faisant au moins une opération de bourse, contre environ 1 million auparavant. Certes cela peut être rapproché du maintien de la politique monétaire accommodante, de la poursuite de la tendance haussière du marché des actions, de la reprise des introductions en bourse et du développement des offres de neo-brokers permettant de réaliser des opérations de très petite taille – voire sur des fractions d’actions – sans commission.
Même si ce phénomène d’engouement reste vulnérable à un renversement du cycle boursier, tout laisse à penser que cette évolution, non limitée à la France, est structurelle. Voilà plusieurs défis pour les régulateurs boursiers. D’abord sur la bonne information des investisseurs, qui sont plus jeunes et interviennent sans les conseils de professionnels, souvent à partir d’échanges sur les réseaux sociaux. Ensuite sur la qualité réelle des prestations proposées par des intermédiaires, intervenant souvent en libre prestation de service à partir d’un « petit » pays de l’Union sans que les ordres passés soient assurés de la meilleure exécution. Enfin sur le bon fonctionnement du marché si les ordres ne participent pas effectivement à la formation des prix.
Ces défis constituent des priorités d’actions pour l’AMF car si la participation directe des particuliers dans les marchés financiers est un excellent développement alors que les besoins d’investissement sont considérables dans nos économies, il importe que ces nouveaux investisseurs ne s’égarent pas dans des pratiques inadaptées.
Robert Ophèle
Président de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF)