Mixité, diversité, inclusion : grande cause du capitalisme responsable
Interview d’Elisabeth Moreno, Ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances
ICR : En faisant de l’inclusion l’un des pivots majeurs de notre modèle d’entreprise, l’Europe peut-elle inventer une nouvelle forme de capitalisme capable d’essaimer partout dans le monde ?
Elisabeth Moreno : L’inclusion est une formidable opportunité pour nos entreprises. Elle constitue à la fois un facteur de compétitivité et d’attractivité. De nombreuses études, à l’instar de celles de McKinsey ou du professeur Michel Ferrary l’ont déjà démontré : les entreprises les plus diverses, sont aussi les plus performantes dans leur secteur.
La France a été pionnière dans ce domaine, en particulier dans le champ de l’égalité professionnelle, d’abord avec la loi Copé-Zimmermann de 2011, qui a permis de passer de moins de 10% à plus de 45% de femmes dans les conseils en dix ans, puis avec la proposition de loi pour l’accélération de l’égalité économique et professionnelle, portée par Marie-Pierre Rixain et Christophe Castaner, qui prévoit la mise en œuvre de quotas dans les instances dirigeantes (cadres dirigeants et comex) des entreprises de plus de mille salariés.
La présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre 2022, fournira une excellente occasion de mettre ces avancées en lumière avec les 26 autres pays membres de l’Union.
ICR : Quels sont les principaux combats que vous avez choisis en matière de mixité ?
L’égalité entre les femmes et les hommes constitue la Grande cause du quinquennat du Président de la République et la lutte contre les violences faites aux femmes en constitue le premier pilier. C’est le premier combat que je mène car sans éradication des violences, l’égalité ne peut advenir… Dans ce contexte, en tant qu’ancienne cheffe d’entreprise, je souhaite que les entreprises puissent mettre en œuvre des dispositifs d’alerte relatifs aux violences conjugales auxquelles peuvent être exposées leurs collaboratrices. C’est un sujet difficile, mais nécessaire, dont ont déjà choisi de s’emparer quelques grandes entreprises pionnières, en signant avec moi le Manifeste des acteurs économiques contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre dernier, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Le deuxième combat que je mène est celui pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. J’invite les entreprises à identifier les freins à l’amélioration de la note qu’elles ont obtenues à l’index de l’égalité professionnelle, cet outil de transparence que le Gouvernement a créé en 2018 pour résorber les inégalités salariales. Je rappelle que seulement 2 % des entreprises obtiennent la note maximum de 100, et que 43 % des entreprises comptent encore moins de deux femmes dans leurs 10 plus hautes rémunérations.
Le troisième combat est celui de l’amélioration de la mixité du groupe des cadres dirigeants et des comex des entreprises. C’est pourquoi j’ai apporté mon plein soutien à la proposition de loi Rixain-Castaner adoptée récemment par le Parlement.
ICR : Quelles seraient les mesures les plus efficaces et urgentes à mettre en place par les entreprises et les investisseurs pour agir en faveur de l’Inclusion ?
Depuis mon entrée au Gouvernement, j’ai rencontré de nombreuses entreprises conscientes que l’enjeu de l’inclusion a d’autres finalités que de cocher une case dans un rapport RSE à la fin de l’année fiscale mais qui, après avoir dépassé le stade du « pourquoi ? », étaient démunies sur le « comment ? ». Cela vaut aussi pour nos administrations et plus globalement pour les organisations qui sont en charge des services publics : elles comprennent et elles servent d’autant mieux les citoyens si leurs agents ont des parcours, des expériences et des origines diverses, qui reflètent la pluralité de notre société. L’Index Diversité et Inclusion dont j’ai lancé l’expérimentation le 17 novembre dernier avec dix organisations pilotes s’inscrit dans cette ambition.
En sondant le niveau d’inclusion et de diversité d’une organisation publique ou privée, via une enquête collaborateurs, cet outil aidera les dirigeants et les DRH à engager ensuite des mesures correctives pour, au final, que leur organisation soit un meilleur reflet de notre société. Bien entendu, cet Index se fera à droit constant et sera basé sur le volontariat à la fois des entreprises et des organisations publiques ainsi que des salariés. Par ailleurs, il sera sécurisé juridiquement en respectant les conditions d’anonymat et de confidentialité posées par la CNIL.