Où va la démocratie actionnariale ?

Avant de répondre, rappelons deux points essentiels. C’est le Conseil d’administration qui définit la stratégie, l’oriente, évalue la qualité du management et décide des grandes opérations stratégiques. La cohérence d’action du tandem Conseil d’administration – Direction Générale est donc fondamentale pour assurer la bonne marche de l’entreprise.

Le regard change. Au cours des cinq dernières années, les plans stratégiques ont continué d’accorder une part prépondérante aux performances économiques de l’entreprise. Dans le même temps, ils ont commencé à prendre en compte des paramètres extra-financiers, au premier rang desquels figurent la parité, la diversité, l’inclusion, la transparence et la prise en compte des externalités négatives et positives.

Ce n’est qu’un début. Les entreprises devront engager leurs instances de gouvernance dans une accélération de la transformation sociale, sociétale et environnementale. La stratégie climatique devra notamment faire l’objet d’une validation des actionnaires. Pour assurer leur performance globale, les entreprises devront faire évoluer le format des Conseils d’administration, de manière à y faire figurer plus d’administrateurs indépendants, notamment des experts en RSE, et des salariés élus. Elles nommeront aussi des administrateurs référents, garants du bon fonctionnement de la gouvernance. Les entreprises augmenteront aussi la part de l’actionnariat salarial et traiteront tous les actionnaires de manière équitable en supprimant les droits de vote double.

Toutes ces actions visent à assurer la sauvegarde des intérêts de l’ensemble des actionnaires et à favoriser la prise en compte des intérêts des autres parties prenantes. La quête de sens des salariés sera également prise en compte dans les réflexions, car elle conditionne non seulement l’attractivité de l’entreprise et la mobilisation des talents mais aussi l’agilité et la réactivité de l’organisation pour faire face à des événements exogènes de type sanitaires, climatiques ou cyber, qui pourraient fortement impacter le fonctionnement de l’entreprise.

Quant au numérique, les meilleures pratiques devront être intégrées dans les codes de gouvernance des entreprises. A cet égard, une bonne gouvernance devra pratiquer une certaine « frugalité numérique ». L’entreprise devra accorder à la donnée toute sa valeur en l’abordant comme un véritable actif, en mesurant bien les risques opérationnels, cyber et financiers associés.

En 2020, la crise sanitaire a eu pour effet d’accélérer l’évolution de la gouvernance, mais cette évolution rapide s’est faite pour l’instant, reconnaissons-le, au détriment de la démocratie actionnariale. Le bilan des AG 2021 révèle que les entreprises ont encore des marges importantes de progrès à accomplir, notamment en matière de démocratie actionnariale et de RSE. Oui, les entreprises ont fait des efforts importants pour dialoguer avec leurs actionnaires pendant l’AG, via un chat ou une plateforme dédiée, mais les actionnaires ne peuvent toujours pas voter les résolutions en temps réel lors de réunions dématérialisées.

Nous sommes à mi-chemin. Certaines entreprises ont présenté en AG leur politique RSE et leur feuille de route Climat jusqu’à l’horizon 2025-2030, voire 2050, s’engageant ainsi dans la dynamique des agendas onusien et européen pour lutter contre le dérèglement climatique, mais sans communiquer le coût de cette politique et sans la faire valider par leurs actionnaires. Elles n’évaluent pas systématiquement leur raison d’être. Les notations extra-financières présentées sont trop nombreuses et parfois contradictoires, ce qui rend leur interprétation complexe. Enfin, les ratios d’équité et la création et la répartition de la valeur entre les parties prenantes restent deux sujets encore trop rarement abordés. La mise en œuvre de ces engagements nécessitera la construction de compromis raisonnables avec les actionnaires et l’ensemble des parties prenantes.

Le chemin sera long jusqu’à une démocratie reflétant complètement l’air du temps. Les différentes transitions – énergétique, climatique, environnementale, sociétale – sont considérables. Elles ne pourront devenir réalité que si les entreprises justifient toutes leurs actions. La nouvelle frontière de l’actionnaire sera de peser, dans la mesure du possible, pour une traduction comptable de toutes les activités de l’entreprise.

Les Ambassadeurs de l’ICR