Pour une compliance des cœurs

Les grands enjeux du XXIème siècle appellent à une adaptation de l’éthique des affaires afin de maintenir une création de valeur durable et partagée. Cette éthique des affaires passera nécessairement par un renouvellement du regard, au-delà d’une simple agrégation d’outils éthiques dont l’action isolée reste peu effective.

Repérer ex ante des opérateurs régulés qui soient non-averses au risque nécessite, de la part des autorités de régulation, une mobilisation coûteuse en temps, en personnel et en ressources. Le droit de la Régulation gagnerait à laisser émerger plus largement un droit de la « Compliance », au regard renouvelé et centré autour du principe de bienveillance. Les entreprises produisent aujourd’hui suffisamment de « droit souple » pour créer un environnement normatif propice au développement de comportements qui seront licites et bienveillants.

La « Compliance » aurait alors vocation à se détacher de ses fonctions processuelles de premier ordre – celles de la conformité – pour aller vers une systématisation de fonctions plus larges, d’un second ordre, portant sur l’intériorisation de l’intérêt général et le développement pérenne de la société. L’éthique des affaires serait une composante à part entière de cet ordre supérieur. Une éthique des affaires renouvelée par le principe de bienveillance se concrétiserait par l’instauration d’un droit de la Compliance élargi aux grands enjeux globaux face auxquels chaque entreprise pourrait unilatéralement fixer ses objectifs d’intérêt général.

Cette « Compliance des cœurs » ne consisterait pas uniquement à internaliser les objectifs d’intérêt général définis par le politique, mais, pour chaque entreprise, à définir ses propres intérêts, en phase avec la raison d’être. A long terme, ce nouveau droit de la Compliance effacerait le droit de la Régulation, créerait une éthique des affaires plus tangible et ferait du droit souple, celui de la bienveillance, l’avenir du droit dur, conformément aux prédictions telles qu’exposées dans l’étude annuelle du Conseil d’Etat en 2013.

Hichâm Ben Chaïb
Diplômé de l’ESSEC en Finance et de l’ENS-Paris 1 Panthéon Sorbonne en Affaires publiques. Actuellement étudiant à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (Sciences Po) et à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco) et contributeur-expert au Centre Européen de Droit et d’Économie (CEDE)