Vers une nouvelle éthique des affaires
Des pouvoirs publics édictant des textes de plus en plus contraignants, une opinion publique de plus en plus exigeante, des consommateurs toujours plus attentifs et, jusqu’au cœur de l’entreprise, des collaborateurs qui exigent confiance et bienveillance… De toutes parts, c’est une demande d’exemplarité qui émerge, 20 ans après le scandale Enron et la révélation de malversations et de montages d’optimisations fiscale et financière.
La première étape a été celle de la montée en puissance de la RSE et du poids des critères ESG dans les affaires. La Compliance, outil de survie de l’éthique des affaires en entreprise, rendue incontournable en France par la loi Sapin II, impose aux entreprises de gérer leurs propres risques éthiques. Pourtant, cela ne semble plus suffisant !
On attend de l’entreprise une contribution à la lutte contre les grands maux contemporains. Partout, les interpellations se multiplient, prenant divers visages : contentieux stratégiques autour du dérèglement climatique et des droits humains, propositions d’adoption d’une raison d’être depuis la loi Pacte, questionnements portés par le FIR (Forum pour l’Investissement Responsable), recherche de sens dans l’entreprise par les jeunes générations. S’il est urgent de s’interroger sur les possibilités d’un capitalisme qui permettrait à l’entreprise de durer, les choses sont loin d’être évidentes, aussi bien à concevoir qu’à appliquer. La meilleure voie pour que les entreprises contribuent à la société est d’évaluer leurs actions à l’aune d’une performance transversale et plurielle qui mêle les résultats financiers, l’action sur l’impératif environnemental, sur le social et la société, comme le relatent Antoine Frérot, PDG de Veolia, et le professeur Rodolphe Durand dans : L’Entreprise de demain – pour un nouveau récit.
Un triptyque se dégage : Progression, Dynamique & Challenge.
Nous avons, quant à nous, souhaité développer un angle spécifique pour appréhender le partage de la valeur et l’éthique des affaires.
La corruption, la fraude, les rémunérations des dirigeants déconnectées de la réalité, les conventions porteuses de conflit d’intérêt, les contrats déséquilibrés à l’égard d’un partenaire obtenu par une position de puissance, sont autant de coups de canif à l’équité et la justice dans le partage de la valeur créée. Cette question est centrale dans l’éthique des affaires au 21ème siècle.
Or, les outils et processus de Compliance ne traitent que l’aval du problème de détournement de la valeur, sans en aborder les causes. C’est bien l’éthique qui permettra un renouvellement du regard sur l’entreprise et ce regard ne pourra se déployer qu’en lien avec le principe directeur de bienveillance. Certains, convaincus que le monde des affaires n’a rien à voir avec la bienveillance verront ici un idéalisme déplacé. Pourtant c’est bien ce concept d’humanité qui est à même d’agréger les divers dispositifs d’éthique des affaires dans une vision globale. La bienveillance, qui englobe tant la raison d’être que la RSE, le bien-être des collaborateurs, l’attention aux parties prenantes, les dispositifs de mécénat, les programmes d’aide aux déclassés, et bien d’autres outils, est propice à dégager une juste répartition de la valeur.
Voilà pourquoi, nous proposons la bienveillance comme principe directeur de la conduite des affaires.
Viviane de Beaufort
Professeure à l’ESSEC Business School
Membre du Jury des Grands Prix de l’Assemblée Générale et de la Mixité (ICR)