Le capitalisme responsable, un pilier de la paix
Après plus d’un mois de guerre en Ukraine, les victimes s’accumulent, le désastre humanitaire s’aggrave et les conséquences économiques se révèlent massives à la fois dans leur ampleur et dans leur durée. Des secteurs entiers, l’énergie et l’agriculture par exemple, vont peut-être devoir se réorganiser de fond en comble à l’échelle mondiale.
L’Institut du Capitalisme Responsable (ICR) – c’est sa raison d‘être – se pose naturellement la question : le capitalisme est-il en cause d’une manière ou d’une autre dans cet enchaînement ? Et à l’inverse, le capitalisme responsable peut-il contribuer à la solution, s’imposer comme un facteur de paix ? Pour y contribuer, quels sont les instruments à sa disposition, quelle répartition des tâches faudrait-il imaginer entre les entreprises, les investisseurs et les états régulateurs ?
L’histoire est pleine de penseurs de tous bords qui ont décrit les liens entre guerre, paix et capitalisme. Montesquieu, adepte du « doux commerce », pêchait par optimisme quand il écrivait : « L’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes ». D’autres voix à la fois encourageantes et réalistes ont retenti aussi. L’économiste démographe sociologue Alfred Sauvy rappelle que « si le capitalisme subsiste en dépit de ses imperfections et de ses injustices, c’est parce qu’il n’y a pas de remplaçant présentable ».
Le plus célèbre reste sans doute Lénine qui disait toute sa méfiance dans le titre de son livre de 1917 : « L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme ». Il ne reculait pas devant les contradictions puisqu’il ferait lui-même appel au capitalisme, quelques années plus tard, dans le cadre de sa Nouvelle Politique Économique (NEP).
De nombreux économistes ont cherché à savoir si ce ne sont pas les inégalités qui finissent par causer des guerres. Pour Branko Milanovic, c’est clair : la logique interne des sociétés capitalistes du début du XXème siècle, très fortement inégalitaires, a poussé ces pays à l’impérialisme, lequel a provoqué la guerre. Les causes n’ont pas disparu. En 2022, l’accroissement des écarts de revenus alimente toujours la colère des classes moyennes dans les pays développés. Au sein de L’OCDE, le 1% des plus fortunés captait 25 % du patrimoine en 1990. Aujourd’hui, c’est 32 %. Le partage de la valeur s’est opéré au détriment des salaires.
Le capitalisme de 2022 doit user de sa puissance, de son efficacité et de son inventivité pour combattre les effets dangereux de la crise que la guerre en Ukraine va provoquer en Europe et plus encore dans les pays émergents. Cette crise lance un défi historique aux capitalistes, tout particulièrement aux multinationales et aux investisseurs qui, après avoir été confrontés à de difficiles arbitrages liés à la pandémie, affrontent de nouveau la question fondamentale : quel est le « juste » niveau de profit ? Pour limiter l’impact social de cette nouvelle crise, les entreprises – avec le soutien de leurs investisseurs – devront, entre autres, consolider la couverture sociale et les droits humains dans tous les pays où elles opèrent, vérifier plus que jamais l’état sanitaire de leurs salariés.
Les défis s’accumulent pour le capitalisme responsable. Ses moyens d’agir aussi.
par Caroline de la Marnierre et Stéphane Marchand
Copyright : Photo by Gabriel Jimenez on Unsplash