Le « Say on Climate », star des AG 2022
Le « Say on Climate », star des AG 2022
La percée du « Say on Climate » a clairement marqué la saison des Assemblées Générales 2022. Le développement de ces résolutions sur la stratégie climat des sociétés est en effet une avancée notable pour l’amélioration du dialogue entre émetteurs et investisseurs sur les questions climatiques. À mi- année, leur nombre a déjà presque doublé par rapport à l’ensemble de 2021 avec plus de 35 « Say on Climate » dans le monde. Si la France n’en comptait que trois l’année dernière, dix émetteurs ont déjà inscrit ce type de résolution à l’agenda de leur assemblée, plus que sur n’importe quel autre marché. Les « Say on Climate » ne se limitent pas aux sociétés du secteur de l’énergie (TotalEnergies, EDF, Engie) et n’y ont d’ailleurs pas vocation. Quelle société peut encore affirmer ne pas être concernée par la question climatique ? De premières entreprises du secteur du transport (Getlink), de l’immobilier (Mercialys, Icade et Nexity), de l’asset management (Amundi) ou de l’agroalimentaire (Carrefour) ont aujourd’hui franchi le pas et adopté la pratique.
Cette accélération s’explique en partie par la pression exercée par les investisseurs, qui demandent la généralisation du « Say on Climate ». Cinquante-six investisseurs internationaux de l’Institutional Investors Group on Climate Change (IIGCC), représentant 14 000 milliards de dollars d’encours sous gestion, avaient ainsi soutenu cette demande. En France, un groupe d’investisseurs, dont Amundi, a contacté les sociétés du SBF120 pour les encourager à tenir un vote consultatif annuel sur deux résolutions distinctes lors de leur Assemblée Générale : la première portant sur la stratégie climat de l’entreprise (vote ex ante) et la seconde sur la mise en œuvre ex post de cette stratégie.
Pourtant, la pratique du « Say on Climate » ne fait pas encore l’unanimité. Des investisseurs qui avaient été très prompts à demander plus de pouvoir sur le contrôle de la rémunération des dirigeants – le fameux « Say on Pay » – se montrent aujourd’hui réticents à se prononcer sur la stratégie climat des sociétés. Le sujet de la rémunération des mandataires sociaux est évidemment fondamental, toutefois celui du dérèglement climatique le dépasse largement. Compte tenu du rôle crucial que peuvent et doivent jouer les acteurs financiers pour favoriser la transition des entreprises qu’ils accompagnent, il est difficile de comprendre cette différence de traitement. L’argument légaliste de la protection de la compétence du Conseil d’administration ne tient pas : dans un cas comme dans l’autre, les actionnaires ne demandent pas le pouvoir décisionnel mais seulement la possibilité d’exprimer leur avis sur les politiques des sociétés et leur mise en place.
Est-ce donc la complexité de l’analyse des plans de transition énergétique des sociétés qui freine les ardeurs de certains ? Il serait surprenant que des investisseurs professionnels ne puissent pas se doter des outils analytiques, en interne ou en externe, pour voter de manière réfléchie sur ces plans climatiques.
Finalement, il a été dit que les actionnaires risquaient d’approuver aveuglément ces stratégies climat en donnant ainsi un blanc-seing aux émetteurs. Si les investisseurs sont souvent plus tolérants lorsqu’une nouvelle pratique apparaît, comme cela a été le cas lors des débuts du « Say on Pay », l’expérience a montré que les analyses deviendront plus détaillées, que les exigences se renforceront, que l’opposition augmentera et que les rejets deviendront plus fréquents. Plusieurs « Say on Climate » ont déjà reçu dès cette année des taux d’opposition supérieurs à 20%, comme à l’Assemblée d’UBS (22%), de Glencore (24%) ou de Woodside Energy (49%), un seuil au-delà duquel les investisseurs s’attendent à une réaction du Conseil. Les investisseurs ont donc bien saisi l’importance de ce nouveau vote.
La France est aujourd’hui en tête de la course sur l’adoption du « Say on Climate ». Saluons cette position pionnière et espérons que tous les investisseurs viendront soutenir cette avancée.
Par Edouard Dubois, Head of Proxy Voting Amundi