« Partager la valeur, le nouveau contrat social  ? » – par Caroline de la Marnierre et Loïc Desmouceaux

2022, année de la grande inflation, de l’inquiétude sur le pouvoir d’achat, année de grèves pour réclamer des hausses de salaires et de désarroi politique face à l’ampleur des attentes. Outre- Manche, une Première ministre, Liz Truss, a même été poussée à la démission pour n’avoir pas su adresser les angoisses des Britanniques sur leur niveau de vie. En France, les initiatives politiques se sont multipliées pour tenter d’apporter des réponses : dividende salarié, prime de partage de la valeur, dépôt d’un amendement sur les super dividendes… 

Cette revendication de pouvoir d’achat est devenue un sujet de société, un ressenti qui s’imprime dans l’inconscient collectif. Les salariés sont convaincus que l’entreprise engendre des superprofits qui bénéficient quasi-exclusivement aux actionnaires, sans que ne soit assez valorisé leur mérite.  Pourtant en France, bien plus que dans la plupart des pays de l’OCDE, les inégalités de revenus sont combattues avec efficacité par la fiscalité et la redistribution, ce qui place notre pays parmi les pionniers et devrait encourager nos entreprises à devenir des leaders du partage de la valeur. 

Les dirigeants sont-ils assez conscients de la responsabilité qui leur incombe de répondre à ces exigences ? Mesurent-ils l’ampleur des efforts de pédagogie qu’il leur reste à accomplir pour définir, expliquer, contextualiser et faire accepter leur politique de partage de la valeur ? Élevons le débat.  Le moment est venu de pratiquer le partage de la valeur à l‘échelle de l’entreprise « étendue ». Dans ce nouveau périmètre, au-delà de la rémunération des salariés, des dirigeants et des actionnaires, le partage de la valeur globale devra inclure l’investissement matériel et immatériel, la politique fiscale, la politique d’achats et de sous-traitance, ainsi que les contributions de l’entreprise à la société.   

L’Assemblée générale est une occasion privilégiée pour effectuer cette mise au clair. Nous recommandons que les entreprises s’y expriment clairement sur trois axes :  

  • Justifier le montant de la rétribution globale des salariés de l’entreprise (participation, intéressement, primes, couvertures sociales, l’abondement pour les actionnaires salariés et attribution d’actions gratuites) par rapport au montant du dividende distribué aux actionnaires sur la même période ;
  • Expliciter la politique de l’entreprise en matière de développement de l’actionnariat salarié, à l’échelon national et international, se positionner sur l’objectif du seuil des 10%  du capital détenu par les salariés à horizon 2030 ;
  • Démontrer la cohérence de la politique de sous-traitance et d’achats avec les engagements ESG, en insistant sur la contribution positive de l’entreprise à la pérennité de la chaîne de valeur, au travers notamment des prix d’achat et des délais de paiement.

Afin d’assurer la comparabilité́ et l’efficacité́ du processus, les informations fournies par les entreprises lors de l’Assemblée Générale doivent reposer sur une méthodologie robuste et ambitieuse, à la hauteur des enjeux. Aussi, nous proposons, pour la présentation d’un plan d’actions sur le partage de la valeur, le cahier des charges suivant :

  • Mention des budgets nécessaires à l’atteinte des objectifs ;
  • Évolutions organisationnelles correspondantes ;
  • Outils RH et financiers permettant l’exécution du partage de la valeur.

Il s’agit là de solutions concrètes dont les dirigeants doivent s’emparer dès 2023, pour honorer ce nouveau contrat social. De la cohérence de leurs actions dépendra la cohésion de leur potentiel humain et donc, in fine, la pérennité de leur entreprise.         

par Caroline de La Marnierre, Présidente et Fondatrice de l’Institut du Capitalisme Responsable,
et Loïc Desmouceaux, Président de la FAS (Fédération des Associations d’Actionnaires Salariés)