6 ans de l'ICR | Traçons un chemin de sens et de cohérence... par Caroline de La Marnierre

Nous sommes heureux de célébrer un chemin de 6 années tracé par l’ICR… Heureux de faire grandir, au vrai sens du terme, notre capitalisme, le faire grandir vers un modèle vertueux pour les entreprises, pour les investisseurs, pour l’Etat et toute la société civile. Il s’agit, avec justesse et honnêteté, d’apporter sens et cohérence dans un monde qui peut sembler parfois complètement déboussolé. 

Le contexte actuel est extrêmement préoccupant mais, fort heureusement, il est également contrasté. Les entreprises et les investisseurs responsables, avec l’Etat, ont les moyens de faire progresser notre modèle de capitalisme.   

Contre le réchauffement climatique, les entreprises et les investisseurs avancent à grands pas dans leurs politiques de décarbonation. La France est leader en Europe, avec 63% d’entreprises engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, conformément aux objectifs de l’Accord de Paris. Rappelons que c’est 55% au Royaume-Uni, 49% aux États-Unis, et seulement 38% en Allemagne, selon les chiffres de la Science-based Target Initiative (SBTi).

Ajoutons que toutes les entreprises du CAC 40, sans exception, ont présenté leur ambition « net zéro » lors de leur Assemblée Générale de 2022. Par ailleurs, plus de 95% des entreprises du CAC 40 ont intégré a minima un objectif ESG dans le calcul de la rémunération variable de leur dirigeant, dans la droite ligne des recommandations AFEP MEDEF. 

S’agissant de la féminisation des instances dirigeantes, la France compte près de 46% de femmes en moyenne au sein des Conseils d’administration du SBF 120, bien au-dessus des 40% imposés par la loi Copé-Zimmerman.

Notre pays est une référence dans le monde entier.

Bien sûr, les femmes ne représentent aujourd’hui que 24% des Comités de Direction, mais la loi Rixain va porter cette part à 40% en 2029, préfigurant un nouveau record pour la France.

Aujourd’hui, 73% des entreprises du CAC 40 ont formalisé une raison d’être. Parmi elles, 1 sur 4 l’a déjà inscrite dans ses statuts.

En matière d’actionnariat salarié, le taux moyen s’élève à 3,42% en France, contre seulement 1,6% pour l’Europe. Sur ce plan-là également, nous avons pris de l’avance.

Enfin et depuis deux mois, une nouvelle Directive européenne sur l’information de durabilité va changer la donne – dès l’an prochain – en matière de responsabilité. Très avant-gardiste en matière d’intégration d’indicateurs financiers et extra-financiers, elle sera applicable par plus de 50 000 entreprises entre 2024 et 2027 ! C’est une immense victoire pour l’Europe.

Et pourtant, malgré ces avancées très significatives au cours de ces dernières années – et qui restent également encore très insuffisantes au regard de l’ampleur de nos enjeux, ne nous y trompons pas –  jamais les enquêtes de perception n’ont été aussi dures et critiques à l’encontre du capitalisme. Les controverses sont parfois fondées, mais pas toujours…

Quand les attaques sont justifiées, la puissance publique et les dirigeants d’entreprises et de fonds d’investissement s’en emparent et s’efforcent d’en tirer des leçons, de formuler des recommandations. C’est ce que l’on appelle la soft law. Et quand l’affaire est trop grave, on légifère. C’est la hard law.

Si la loi est nécessaire, elle ne peut pas « tout » résoudre. Dans un monde qui accélère, la loi est intrinsèquement décalée car elle a besoin de temps pour gérer la complexité grandissante de nos enjeux.  Une même loi appliquée à des entreprises ou à des investisseurs très différents, peut aussi perdre de son « sens ». Les spécificités de chacun doivent être prises en compte, mais la loi ne peut pas faire de « sur mesure ». 

Toutes les controverses ne sont pas rationnelles ou fondées. Un grand nombre d’entre elles relèvent en réalité du procès d’intention. Pourquoi observe-t-on un tel écart entre les vrais progrès réalisés – nous sommes, au sein de l’OCDE, un des pays les plus avancés en matière de responsabilité – et ce qui est ressenti et dénoncé ?

On évoque à peu près systématiquement la culture française judéo-chrétienne, qui ne supporte pas l’enrichissement d’une minorité, au détriment du plus grand nombre ; on évoque aussi la bien-pensance, le mauvais caractère de ces Français …

Il existe une autre spécificité française : c’est l’arrogance. Elle n’est pas toujours consciente, d’ailleurs. Une arrogance qui s’abrite derrière un jargon technocratique totalement abscons pour le plus grand nombre. Le citoyen se sent impuissant à comprendre la complexité de nos sujets, et surtout de leurs interactions. Oui, le dérèglement climatique impacte l’évolution des compétences et donc la formation, l’emploi, la politique d’investissement, la croissance externe. Tout se tient. Tout est lié. 

Cette arrogance technocratique déclenche en retour, et c’est bien normal, de la défiance, de l’agressivité, des réactions volontiers caricaturales. Il s’agit de réflexes de défense.

Dans un vocabulaire simpliste, les expressions telles que « c’est du washing » ou « tout ça, c’est du bullshit » répondent tout simplement à notre jargon illisible et ésotérique, qui empile des acronymes complètement abscons : IFRS, IIRC, SASB, PRI, GRI, CSRD, TCFD, SRD, SBTi,…

Donc, le « tout ça, c’est du pipeau » est tout simplement l’aveu d’un « je ne comprends pas ». Et là, nous avons une part de responsabilité dans ces jugements qui ne sont pas éclairés.  Il est donc temps de créer un « vrai » dialogue avec la société civile pour instaurer des relations de confiance. Notre comportement, notre écoute, notre langage doivent évoluer, et rapidement ! 

À l’ICR, on commence à prendre conscience de ce qui pourrait être pris pour de l’arrogance, de façon non volontaire, bien sûr … Nous devons apprendre à nous exprimer d’une façon beaucoup plus lisible, simple et accessible.

Pour cela, il est indispensable de travailler sur la cohérence d’ensemble de notre approche : cohérence entre tous les axes de responsabilité pour convaincre sur la sincérité de la démarche. Pour ouvrir le dialogue et lui permettre de faire naître – peu à peu – la confiance. 

Ne cherchons pas à tout expliquer, mais inspirons confiance par la détermination et à la sincérité de notre engagement. En d’autres termes, apprenons à « habiter » notre engagement, au lieu de nous en revêtir.

A l’ICR, nous avons donc identifié un chantier prioritaire : la cohérence associée au sens et la pédagogie. Elles vont de pair avec la simplicité, une forme d’humilité et de lisibilité qui ouvre le chemin de la confiance.

Cohérence, au sein de l’entreprise, entre la composition du capital, la raison d’être qui s’inscrit sur le long terme, son plan stratégique de moyen terme, sa gouvernance qui doit veiller à cette cohérence, ses politiques d’investissements et de dividendes qui doivent être articulées, ses stratégies de ressources humaines et d’achats, ses engagements pour les territoires. L’entreprise de 2023 est une entreprise étendue qui intègre son écosystème. 

Si l’articulation entre la raison d’être et le plan stratégique n’est pas clairement établie, comment l’entreprise pourra-t-elle concilier ses horizons de moyen et de long terme ? Si l’entreprise n’intègre pas les impacts de sa croissance sur l’environnement, sur ses salariés, sur la société et ses territoires, comment peut-elle se développer harmonieusement avec ses parties prenantes ?  Si la politique de distribution des dividendes n’est pas alignée sur la politique interne de rémunération et sur les stratégies d’investissement, comment l’entreprise peut-elle prétendre à un partage équitable de la valeur ?

Débarrassons-nous du bouclier technocratique et présentons les défis de façon simple : un chemin de cohérence, un cap, une raison d’être, bref une boussole stratégique. Soyons lisibles, c’est-à-dire clairs et modestes.

À l’ICR, nous souhaitons accompagner les entreprises et les investisseurs – au sein de nos Observatoires et bientôt au sein de notre Index de Cohérence ESG – sur ce chemin de cohérence vers plus de sens pour s’ouvrir à la confiance. 

Nous souhaitons qu’une large majorité de citoyens perçoive – ce qui ne veut pas dire comprenne –  les enjeux du capitalisme responsable. Nous souhaitons être un acteur honnête, humble, crédible, très engagé en faveur de cette dynamique vertueuse et win win pour l’entreprise, pour l’investisseur, pour l’Etat, pour notre modèle de capitalisme et pour le grand public.

Nous aurons réussi quand ce très grand nombre de citoyens – il existe malheureusement des irréductibles – deviendra un ambassadeur du capitalisme responsable. 

On pense que cela est possible et on y croit car en réalité, on n’a pas le choix …

Pour y arriver, on a besoin de votre énergie, de votre engagement et de votre rayonnement !

par Caroline de La Marnierre, Présidente et Fondatrice de l’ICR