« Permettre aux femmes d’être visibles, c’est reconnaître socialement leur rôle, et briser le plafond de verre...» - Marie-Pierre Rixain
27 juin 2023 | Dans le cadre des Rencontres du Capitalisme Responsable lors desquelles ont été remis les Grands Prix de l’Assemblée Générale et de la Mixité, Madame la Députée Marie-Pierre Rixain a remis le Grand Prix de la Mixité et de l’Inclusion et a tenu à souligner – lors de son allocution – que « la création de valeur, de richesse et d’emplois ne peut reposer que sur les seuls hommes. »
Les Grands Prix de l’Assemblée Générale et de la Mixité reflètent l’aspiration collective des acteurs économiques à davantage d’impact. Ce concept marque la transformation profonde de nos modes de production et de consommation. Non, notre système économique ne peut plus se résumer à une seule course irraisonnée et outrancière, mais doit au contraire participer à façonner un monde durable. Dans ce cadre, les réflexions sur les externalités négatives comme positives de toute activité sont devenues essentielles. Sous l’impulsion des nouvelles générations et face aux enjeux du XXIe siècle, l’entreprise doit aujourd’hui faire sens.
C’est l’objet du travail qui a été réalisé au moment de la loi PACTE et qui invite les sociétés à poursuivre un projet entrepreneurial, au travers d’une raison d’être, qui donne sens à l’action de l’ensemble des collaborateurs en créant de la cohérence dans la manière de produire, dans l’organisation, dans les petites tâches autant que dans les grandes finalités.
Cette nécessité de réinventer le monde économique, je l’ai porté au sein de la loi du 24 décembre 2021 dont la mesure phare, tout au moins la plus commentée, est l’article 14 qui impose un quota de chaque sexe dans les instances dirigeantes et parmi les cadres dirigeants des entreprises de plus de mille salariés. On parle souvent de quotas de femmes, ce qui n’est pas tout à fait juste. Je préfère parler de quota d’équilibre en ce qu’il fonctionne dans un sens comme dans un autre et qu’il vise à garantir la présence de femmes et d’hommes à part égale.
J’insiste ! Ne se joue pas ici une nouvelle guerre des sexes. Au contraire, il s’agit de rééquilibrer la participation de chacune et chacun à la vie économique : augmenter celle des femmes, historiquement en retrait, et alléger la pression qui pèse encore trop sur les hommes.
La loi définit désormais les instances dirigeantes des entreprises comme : « toute instance mise en place au sein de la société (…) aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions ».
L’efficacité du dispositif que j’ai conçu repose sur la capacité des entreprises à recruter et à promouvoir des femmes en interne. Il ne s’agit en aucun cas de pénaliser les hommes ou les femmes aujourd’hui en poste mais bien de diversifier, à terme, les profils pour parvenir à une réelle mixité des métiers et du pouvoir.
En effet, je suis convaincue que la concrétisation comme l’effectivité des droits économiques des femmes constituent autant d’opportunités pour les individus – hommes et femmes -, les entreprises et notre économie. L’OCDE a montré qu’en cas d’égalité des sexes dans l’accès aux postes à responsabilité et dans l’entrepreneuriat, la France pourrait gagner 9,4% de croissance supplémentaire en 20 ans, soit 0,4% par an. Eu égard aux chiffres que nous connaissons, c’est considérable. De même, l’absence de mixité dans les filières prive les entreprises d’importants viviers de candidats potentiels. Seuls 18 des 87 secteurs professionnels sont mixtes ; et la moitié des femmes actives se concentrent sur 10 de ces 87 secteurs. La résorption du gender gap c’est-à-dire la pleine intégration des femmes dans l’ensemble des secteurs professionnels, et en particulier ceux en croissance, pourrait représenter une hausse de 2 100 milliards de dollars de PIB annuel de l’Europe occidentale et de 330 milliards de dollars pour la France.
De telles projections appellent des politiques volontaristes, c’est le sens de la loi que j’ai portée, et des engagements féministes de la part des entreprises. La création de valeur, de richesse et d’emplois ne peut reposer que sur les seuls hommes. Une entreprise compétitive comme une économie souveraine ne peuvent se priver de la moitié des talents du pays. C’est ce qu’a démontré, dès 1957, le Prix Nobel Gary Becker : une entreprise qui sélectionne ses salariés sur un critère, conscient ou inconscient, autre que la productivité (sexe, race, religion…) se prive nécessairement de talents et s’en trouve moins performante que ses concurrents.
Or, depuis quelques années les évolutions, qu’elles soient technologiques, environnementales ou sanitaires, s’accélèrent et remettent en cause les compétences au sein des entreprises. Et alors que les réflexions autour du Future of Work battent leur plein, il me semble qu’il faut décloisonner les discussions et faire concorder les problématiques que constituent les pénuries de talents, l’obsolescence des compétences, le vieillissement de la population, et la participation des femmes au marché du travail. Je suis convaincue que les femmes constituent une clef de réponse pour répondre aux besoins des entreprises.
A ce titre, il faut considérer la loi que j’ai portée avant tout comme un instrument.
Un instrument pour garantir aux femmes une place autour de la table. Et cette place est essentielle. Non, elle n’est pas qu’une récompense donnée aux meilleures d’entre nous. Elle constitue, au contraire, un puissant vecteur d’accompagnement des dispositions prescrivant l’égalité professionnelle salariale. Car la place accordée aux femmes dans les instances dirigeantes des entreprises en dit long sur la considération du rôle, plus général, que l’on attribue aux femmes dans l’économie. Permettre aux femmes d’être visibles, c’est reconnaître socialement leur rôle, et briser le plafond de verre pour introduire une nouvelle norme plus inclusive et favorable à toutes et tous. Comme l’a montré la récente étude comparative publiée à l’American Journal of Political Science, les quotas ont un effet d’entraînement important en incitant les dirigeants à accorder davantage d’importance au bien-être des salariés : équilibre des temps de travail, congés parentaux, garde d’enfants…
Un instrument également au service d’objectifs plus globaux en permettant aux entreprises de repenser leur stratégie face aux transformations technologiques, aux mutations du marché de l’emploi et de la démographie. A l’heure où les intelligences artificielles génératives bouleversent notre conception du travail et de la productivité, je suis convaincue que les entreprises qui performeront seront celles qui feront du capital humain, dans la diversité de ses individualités, une richesse.
Aussi, à vous qui constituez les Grands Prix de l’Assemblée Générale et de la Mixité et l’Institut du Capitalisme Responsable, et que je sais engagés en faveur de la mixité et plus largement des combats qui sont le juste chemin vers une meilleure performance individuelle et collective, je dis un grand bravo et vous souffle les mots d’Hannah Arendt : « Contre l’imprévisibilité, contre la chaotique incertitude de l’avenir, le remède se trouve dans la faculté de faire et de tenir ses promesses ».
Allocution de Madame la Députée Marie-Pierre Rixain le 27 juin 2023