Retour aux valeurs essentielles
Quand le capitalisme est-il devenu une insulte ? Quand les entreprises sont-elles devenues des cibles ? Quand les actionnaires sont-ils devenus des « profiteurs » ? L’histoire répondra sans doute un jour à ces questions mais la dérive du capitalisme a été si profonde depuis quarante ans qu’elle a occulté les valeurs essentielles qu’il portait à l’origine : partage du risque, progrès, solidarité. Beaucoup de citoyens avaient oublié cette époque pas si lointaine où la finance était au service de l’entreprise et pas l’inverse, où l’entreprise formait avec son territoire un couple soudé et efficace. La crise a pris des proportions telles qu’accoler au mot capitalisme le mot responsabilité ressemblait à une provocation.
Heureusement, en Europe, le balancier est reparti dans l’autre sens et tout l’écosystème capitaliste européen se rend aujourd’hui à deux évidences : d’une part il est en danger s’il continue de négliger l’impact social, environnemental et éthique de son activité ; d’autre part, il existe des moyens de rectifier les impacts négatifs. C’était le sens de la loi Pacte de 2019, qui demandait aux entreprises de prendre en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité.
Deux ans plus tôt, pour accompagner les entreprises désireuses de prendre ce virage, nous avions créé l’Institut du Capitalisme Responsable (ICR), avec un objectif à la fois modeste et ambitieux : dans une démarche de recherche appliquée, par le partage d’expérience et avec l’appui de la connaissance académique, revenir aux valeurs essentielles et inventer un nouveau capitalisme adossé à ces valeurs. Nous avons identifié cinq chemins que l’entreprise doit emprunter pour pouvoir prétendre à la responsabilité et nous avons lancé cinq observatoires pour contribuer à tracer ces chemins avant de les faire converger.
L’Observatoire du Partage de la Valeur est au cœur de la réconciliation entre les citoyens et l’entreprise. Ils veulent de l’équité dans la répartition des fruits de l’activité et l’entreprise doit savoir expliquer comment elle compte organiser cette répartition.
L’Observatoire de l’Inclusion cherche à faire éclore un état d’esprit : pour que l’entreprise ne soit pas en marge de la collectivité, elle doit garantir l’accès à tous ses collaborateurs à tous ses services et à tous ses postes, sans distinction d’âge, de genre, d’origine, d’orientation sexuelle ou d’état de santé.
Le capitalisme responsable a besoin d’actionnaires et d’investisseurs dans toutes les couches de la société, notamment chez les jeunes. L’Observatoire des Actionnaires d’Avenir veut faire renouer les jeunes avec l’envie d’investir de manière responsable et profitable, ce qui passe par de nouveaux produits, un nouveau langage, de nouvelles règles.
Pour que les promesses du nouveau capitalisme soient crédibles, il faut que ces efforts soient mesurables et ancrés dans une stratégie. C’est la mission de l’Observatoire de la Matérialité : aider les entreprises à s’emparer de tous les outils permettant de quantifier l’impact ESG de leur activité. Et permettre aux investisseurs de flécher leurs fonds vers les projets responsables.
Désormais, l’entreprise veut comprendre, au-delà de sa fonction, quelles sont ses responsabilités vis-à-vis de ses parties prenantes et de la société dans son ensemble. Elle est donc encouragée à se construire une « raison d’être ». L’Observatoire de la Raison d’Être permet aux entreprises de la faire vivre comme un levier d’action quotidien et pas seulement comme un slogan.
Ces cinq piliers de la nouvelle civilisation capitaliste seront désormais le cadre de travail de l’ICR et de ses groupes partenaires. La croissance et l’innovation resteront les carburants essentiels de l’économie, mais soumis à la responsabilité et donc réconciliés avec la société.
par Caroline de La Marnierre, Présidente et Fondatrice de l’ICR, et Stéphane Marchand, Délégué Général de l’ICR