INTERVIEW | « Un administrateur responsable est celui qui reconnait qu’il doit en permanence apprendre… » – Eliane Rouyer-Chevalier

Dans le cadre de la saison des AG, Eliane Rouyer-Chevalier, administratrice indépendante de sociétés et Co-directrice de formations Executive Education Dauphine, revient – dans une interview accordée à l’ICR – sur ses attentes en matière de rémunération des dirigeants, de climat et de gouvernance responsable. 

ICR : Pour les AG 2024, quelles sont vos attentes en matière de présentation des risques climatiques, des stratégies de réduction des émissions et des objectifs de durabilité à long terme (notamment à la suite de l’entrée en vigueur de la CSRD) ?

E.R.C : CSRD ou pas, aucune entreprise quels que soient son secteur d’activité ou sa taille, ne peut faire l’impasse sur la façon dont elle entend, à son échelle, participer à la lutte contre le réchauffement climatique. L’analyse de double matérialité permet une approche nouvelle qui consiste à considérer à la fois les conséquences du réchauffement de la planète pour l’entreprise mais aussi la façon dont l’entreprise elle-même contribue à ce réchauffement avec ses éventuels  impacts négatifs sur le monde vivant.

Par conséquent, en tant qu’administratrice, j’attends une analyse objective, approfondie et responsable de la situation. J’attends des propositions d’action, d’investissements, de formation des collaborateurs, d’éducation des clients, pour décrire et expliquer une stratégie soucieuse de respecter l’environnement tout en maîtrisant les effets sociaux qu’elle peut engendrer. Autant dire, une stratégie exigeante qui demande de passer beaucoup de temps avec les dirigeants opérationnels et qui suppose d’avoir des administrateurs très au fait de ces enjeux vertigineux.

ICR : Qu’attendez-vous des entreprises en matière de rémunération des dirigeants, notamment en termes de transparence, d’alignement sur la performance à long terme et de prise en compte des critères ESG ?

E.R.C : La rémunération des dirigeants est là pour refléter et mesurer les engagements pris par eux afin d’exécuter la stratégie discutée et validée préalablement par le Conseil d’administration. Les critères de rémunération variable insistent sur les objectifs prioritaires assignés à l’équipe dirigeante en termes de performance financière et extra financière. Ces derniers (ESG) prennent une place croissante à court terme (pour les bonus) mais aussi dans une perspective de moyen terme (LTIP). Non seulement les engagements de responsabilité de l’entreprise sont-ils traduits directement dans les rémunérations au sommet de la hiérarchie mais ils structurent aussi, tout en étant adaptés, les rémunérations des managers pour plus d’impact.   

ICR : Quelles initiatives de gouvernance d’entreprise considérez-vous comme prioritaires, en particulier en ce qui concerne la diversité au sein des Conseils d’administration, la structure du conseil, et les pratiques de transparence et de responsabilité ?

E.R.C : Je pense que la complexité des enjeux auxquels l’entreprise est confrontée, le manque de visibilité, l’incertitude géopolitique, les difficultés d’accès à des ressources rares, la montée de l’IA pour ne citer que certains thèmes, exigent plus de compétences, de temps à passer avec le management et beaucoup d’humilité. Un administrateur responsable est celui qui reconnait qu’il doit en permanence apprendre, confronter son point de vue et assumer ses responsabilités. Il s’agit moins d’une collection d’experts dans leur domaine que de personnes raisonnant de manière transversale, jaugeant des conséquences latérales de chacune des décisions en particulier sociales et sociétales.