INTERVIEW | Hétérogénéité des méthodologies (1/2) : quelle mesure du « salaire vital » ?

Dans le cadre de la dernière session du Collège des Expertes et des Experts de l’ICR qui s’est tenue le 13 juin dernier, nous avons eu le plaisir d’accueillir Fabrice Murtin, Head of Research, Modelling and Advanced Analytics à OECD Centre on Well-Being, Inclusion, Sustainability and Equal Opportunity (WISE). A cette occasion, il est revenu sur le manque d’homogénéité, selon les méthodologies proposées, en matière de mesure du salaire vital, de la qualité de vie au travail et du bien-être des salariés.

Pourquoi parler de salaire vital ?

Aujourd’hui, 8 % des personnes vivant dans des ménages comptant au moins un actif sont pauvres en moyenne dans les pays de l’OCDE. Au Chili, au Costa Rica, en Espagne, en Israël, en Italie, au Japon, au Mexique et en Turquie, la proportion de travailleurs pauvres excède 10 % de la population active. On constate alors que l’emploi à lui seul n’assure pas toujours un niveau de vie convenable.

Dans ce contexte, le concept de « salaire vital » – c’est-à-dire de salaire offrant aux travailleurs et à leur famille un revenu suffisant pour assurer un niveau de vie considéré comme convenable – est revenu sur le devant de la scène y compris dans les pays développés. Les termes « salaire minimum » et « salaire vital » sont parfois utilisés indifféremment, alors qu’ils recouvrent deux concepts distincts. Plutôt que de fixer des planchers salariaux légaux et réglementaires, les engagements en faveur du salaire vital prennent généralement la forme d’un taux volontaire payé par les employeurs qui décident d’aller au-delà du salaire minimum légal.

Le « Centre du bien-être, de l’inclusion, de la soutenabilité et de l’égalité des chances » de l’OCDE a publié un rapport sur le sujet du salaire vital et beaucoup d’organisations se consacrent au sujet. On observe qu’il existe beaucoup de mesures proposées par de nombreux acteurs. Cependant, celles-ci manquent de clarté et de transparence sur leur méthodologie. Si, à l’OCDE nous n’avons pas l’ambition de proposer une méthodologie universelle, nous insistons sur le besoin d’harmonisation.

Comment mesurer le « salaire vital » ?

Mesurer la « décence » d’un salaire est extrêmement difficile. En théorie, on pourrait procéder de la manière suivante : lister les biens et services minimaux auxquels chaque individu a droit, multiplier par leur prix et ajouter un niveau d’épargne minimum. Evidemment, les biens et services auxquels les individus ont droit, et leurs prix, varient non seulement d’un pays à l’autre mais aussi sur les marchés locaux. Le niveau de salaire vital devrait aussi varier selon les systèmes de santé, les systèmes éducatifs, qui ne coûtent pas autant selon les pays.

Si les méthodologies de calcul sont multiples et hétérogènes, soulignons que l’Union européenne a  édicté une directive sur la nécessité de fixer des salaires minimums à des niveaux adéquats pour que les travailleurs aient une vie décente. On peut également mettre en lumière les récentes initiatives du BIT, qui travaille à l’élaboration de principes clés en la matière.