Le capitalisme est capable d’être responsable… les marchés financiers aussi

La crise Covid a, plus que toute autre, mis chacun d’entre nous devant ses responsabilités. Elle a démontré que l’Europe sait réagir de façon coordonnée, forte et appropriée afin d’amortir les effets de la crise sanitaire et de préserver son modèle. Dans chaque pays, et en particulier dans le nôtre, les autorités gouvernementales se sont mobilisées de façon efficace.

De son côté, l’action monétaire de l’Eurosystème et de la Banque de France, en première ligne dans la gestion de crise, a évité qu’une crise financière ne s’ajoute à la crise économique. Cette réaction forte aux décisions prises par le Conseil des Gouverneurs a permis de stabiliser les marchés financiers, mais surtout d’échapper à des effets de contagion qui auraient aggravé la crise économique. Cet épisode illustre que les marchés financiers sont un chaînon important de la transmission de la politique monétaire européenne.

Lieu de rencontre de l’offre et de la demande, les marchés financiers sont emblématiques, voire consubstantiels du capitalisme. La célèbre « main invisible » d’Adam Smith y trouve peut-être sa plus nette illustration. L’histoire montre néanmoins que des bulles financières se développent régulièrement, et que leur fonctionnement demeure imparfait. À court terme, les marchés ne sont pas toujours rationnels. C’est pour cette raison notamment que les marchés sont suivis avec attention, afin de prévenir le risque systémique. Parmi les objectifs intermédiaires du Haut Conseil de Stabilité Financière, l’autorité macro-prudentielle française, figure ainsi le maintien de la liquidité sur les marchés.

Faut-il en tirer la conclusion que le capitalisme serait plus responsable sans les marchés financiers ? Ce serait confondre la cause et un symptôme. Les marchés doivent être un instrument au service de finalités supérieures, et peuvent constituer un vecteur privilégié de transformations positives de nos modèles économiques.

Les obligations vertes ont ainsi connu un essor important au cours des dernières années, atteignant près de 300 milliards d’euros en 2020 (dont la moitié émise en Europe) et sont appelées à soutenir le développement d’un « capitalisme vert » de plus en plus nécessaire au vu de l’urgence climatique. Le réchauffement climatique est une inquiétude aujourd’hui générale, mais l’occasion d’une convergence assez rare : le secteur privé, financier et non financier, commence à s’aligner sur les stratégies d’intérêt général, parfois sous la contrainte pour ce qui est de la publication de données, mais aussi et surtout de plus en plus volontairement pour tirer profit des opportunités associées au verdissement de l’économie. Plus généralement, les critères sociaux et de gouvernance deviennent des critères décisifs d’investissement.

Cette évolution est le fruit d’une prise de conscience collective et salutaire. Le capitalisme et la finance ne sont pas toujours spontanément « responsables ». Mais ils sont capables de l’être, stimulés par les attentes de leurs clients et de la société comme par la régulation publique. Et ils sont alors d’une efficacité sans égale. C’est un espoir dans la transition vers une économie plus durable.

François Villeroy de Galhau
Gouverneur de la Banque de France
et Président de la Banque des règlements internationaux