Le syndicat, partenaire vigilant de l’entreprise responsable

Le syndicalisme est responsable, ce qui le pousse à faire parfois des choix aux conséquences individuelles et collectives mal supportables. Les pertes d’emplois sont de cet ordre. Le syndicalisme s’attache à la seule issue possible : anticiper, pour contenir les pertes d’emplois, les accompagner socialement si elles sont inévitables et veiller à la qualité des emplois. Les syndicalistes sont des vigies essentielles dans les stratégies et les transformations. Ils parlent des hommes et des femmes et incarnent la réalité du travail, une richesse déterminante pour éclairer les décisions et leurs applications.

Le dividende est irresponsable lorsqu’il s’inscrit dans un appétit financier insatiable et sans limite. Rémunération de l’actionnaire, ce qui est légitime, la vraie question est son niveau. Si on peut concéder une forme de responsabilité au dividende lorsqu’il est réduit, pourquoi cet effort de modération, constaté pendant la crise sanitaire, ne se manifeste pas plus et mieux lorsqu’il s’agit d’affronter l’urgence climatique, l’aggravation des injustices alimentant des crises sociales à répétition ? Le syndicalisme est utile : c’est un catalyseur et un aiguillon transverse pour trouver les équilibres. Il est combatif et revitalise les débats pour plus de justice, c’est un rempart contre les excès du marché et la sacro-sainte croissance à tout prix.

Le syndicalisme est un agitateur pour une entreprise qui ne pourra devenir responsable sans associer parties constituantes et parties prenantes. Si les entreprises doivent désormais « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leurs activités », se doter d’une raison d’être, voire d’une mission, leur transformation reste lente. Il reste un impact non mesuré sur le vivant, une transparence en question, une RSE qui n’irrigue pas encore la totalité des fonctionnements de l’entreprise. Négocier dans l’entreprise, participer aux décisions, exiger une législation lorsqu’il le faut : le syndicalisme trouve son originalité en ce qu’il est à la fois dedans et dehors, porteur d’une vision de long terme, non pas dans l’intérêt d’une seule entreprise mais de toutes.

Si l’efficacité de l’action syndicale reste conditionnée à sa présence forte et à l’écoute et la prise en compte de ses revendications, l’efficacité profonde de l’entreprise se jouera sur la question du respect et du partage, gages d’une entreprise réinventée, sobre et inclusive, permettant que chacun trouve le pouvoir de vivre.

Marie-Christine Lebert
Secrétaire nationale CFDT Cadres, Administratrice du Groupe Worldline représentant les salariés,
Co-présidente du Club des Administrateurs salariés de l’Institut Français des Administrateurs (IFA)