Gouvernance, business model et pensée intégrée : Où en est-on ?

À l’occasion de la troisième édition des Grands Prix du Business et de la Gouvernance Responsables, les membres du Jury ont étudié en détail les dossiers de plusieurs dizaines d’entreprises nationales et internationales ayant travaillé sur leur gouvernance et leur reporting afin de mieux y intégrer les dimensions extra-financières de leur activité. Cette démarche, dite de « pensée intégrée », vise à abaisser les frontières entre performances financières et performances extra-financières – sociales, environnementales ou de gouvernance -, qui font souvent encore l’objet de suivis parallèles et déconnectés au sein des entreprises. L’une des traductions concrètes de cette approche est la production d’un « rapport intégré », unifiant l’essentiel des contenus des historiques rapports financiers et rapports RSE / développement durable, et dont le but est d’articuler dans un reporting unique l’ensemble des dimensions de l’entreprise – éthique, gouvernance, environnementale, sociale, sociétale, économique, financière, etc. Cette démarche connaissant un succès croissant au niveau mondial depuis à peine une dizaine d’années, il est intéressant de relever trois points clés issus des évaluations du Jury.

Le premier élément marquant réside dans la grande qualité des démarches engagées par les entreprises candidates aux Grands Prix. Le nombre d’entreprises qui les adoptent est en progrès constant : en France, près des deux tiers des entreprises du CAC 40 et un tiers des entreprises du SBF 120 publient un rapport intégré (1), tandis qu’elles sont près 1500 entreprises dans le monde à le faire (2). Il est frappant de constater à quel point, après deux ou trois années de pratique, les principes de pensée intégrée influencent les priorités stratégiques, la conception des business models et la prise en compte concrète des différentes notions de performance. Si le risque de « green washing » n’est bien sûr pas absent, la lecture approfondie des dossiers a permis au Jury de noter de réels changements. En particulier, les directions financières s’approprient beaucoup mieux les questions RSE, ce qui traduit une inflexion majeure pour la plupart des entreprises.

Le deuxième point marquant est la recomposition des positionnements d’acteurs que favorisent les démarches de « pensée intégrée » : les parties prenantes comme les salariés, les territoires ou les ONG par exemple, y trouvent une place nouvelle et une écoute qui se traduit concrètement dans les actions de l’entreprise. Ce mouvement accompagne un changement profond de paradigme sur la place de l’entreprise dans la société, comme cela a été illustré par les récents débats sur son « nouveau » rôle, qui n’est plus uniquement orienté vers la maximisation des profits pour l’actionnaire. On peut le définir par la prise de conscience par l’entreprise des impacts de ses activités sur ses parties prenantes, de sa contribution positive à l’écosystème, ou encore par l’intégration des défis et risques environnementaux, sociaux et sociétaux à sa stratégie. Dans cette perspective, la récente adoption d’une raison d’être par un nombre modeste d’entreprises – en constante progression – constitue un levier de changement potentiellement puissant.

Troisièmement, on observe encore une grande disparité dans les niveaux de maturité de la démarche et dans les méthodologies utilisées. Malgré le développement croissant de l’extra-financier et de sa prise en compte à tous les échelons – progression constante des fonds et encours ISR, intégration régulière des critères ESG par les entreprises et les investisseurs, généralisation des dialogues parties prenantes, etc. – les moyens dédiés sont encore très variables. Un facteur clé caractérise les quelques entreprises qui se détachent du lot, le volontarisme de leurs dirigeants.

Enfin, le Jury relève plusieurs axes de progression : l’engagement manifestement encore trop limité des Conseils d’Administration sur ces questions, l’intégration progressive – mais parfois peu lisible – de critères extra-financiers dans la rémunération du top management et la relative faiblesse de l’analyse et des mesures d’impacts RSE par rapport aux données financières.

Nul doute que les pratiques évolueront également sur ces plans et que les effets de contagion à partir des excellents exemples de nos Lauréats, que l’on identifie désormais dans tous les secteurs d’activités, transformeront en profondeur les pratiques d’un nombre croissant d’entreprises vers des modèles de gouvernance et de business toujours plus responsables !

(1) Selon les chiffres de Capitalcom, Etude Integrated Thinking 2019
(2) Selon les chiffres de l’International Integrated Reporting Council


 

Signataires : membres du Jury – Dans l’ordre alphabétique

Fabrice BONNIFET, Président du C3D, Directeur Développement Durable & QSE du Groupe Bouygues

Théophile de BONNAVENTURE, Président 2018-2019 de Xprojets (Junior entreprise de l’Ecole Polytechnique)

Arnaud de BRESSON, Délégué Général de Paris EUROPLACE

Blandine CORDIER-PALASSE, Présidente de BCP Executive Search, Co-fondatrice du Cercle de la Compliance

Pascaline de DREUZY, Présidente-Fondatrice de l’Institut Autonomie et Technologie, Administratrice de TF1 et du groupe Séché Environnement

Floriane EGRAZ, Présidente 2018-2019 de Dauphine Junior Conseil, Université Paris-Dauphine

Sophie JAVARY, Vice Chairman CIB EMEA chez BNP Paribas 

Anne-Marie JOURDAN, Membre du Conseil de l’ICGN (International Corporate Governance Network), Directeur juridique et communication du FFR (Fonds de Réserve pour les Retraites)

Bruno DE LAIGUE, Président de la DFCG (Réseau national des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion)

Cédric LAVÉRIE, Responsable de la Recherche française d’ISS (Institutional Shareholder Service)

Michel LAVIALE, Membre de la Commission Transition Ecologique et de la Commission Nouvelles Responsabilités Entrepreneuriales du MEDEF

Myriam MAESTRONI, Présidente E5T, DGE Economie d’Energie, SAS

Virginie MASUREL, Directrice Audit et Contrôle Interne du Groupe Korian et Administratrice de l’IFACI

Nicolas MOTTIS, Président du Jury et Professeur à l’École Polytechnique

Marie-Pierre PEILLON, Présidente de la Commission Analyse Extra-Financière de la Société Française des Analystes Financières (SFAF)

Philippe PEUCH-LESTRADE Directeur Général Délégué de l’Institut du Capitalisme Responsable, Directeur Général Délégué de l’IIRC (International Integrated Reporting Council)

Eliane ROUYER-CHEVALIER, Administratrice indépendante de sociétés

Matthias SEEWALD, Directeur des Investissements d’Allianz France

Sébastien THEVOUX-CHABUEL, Gérant de portefeuille et Analyste ESG, Comgest

Olga TROSTIANSKY, Conseillère au CESE (Conseil Économique Social et Environnemental)